Est-ce que nous aimons les choses que nous aimons parce que nous les aimons vraiment ou est-ce parce que durant notre socialisation quelqu'un a eu de l'influence sur nous?
Après le bilan psychométrique de Fiston, la psy nous a mis en garde: il est très complaisant et cherche déjà beaucoup à s'adapter à ses camarades d'école. Il pourra être tenté d'aimer les mêmes choses que les copains alors que ça ne l'intéresse pas vraiment. Nous devons veiller à ce qu'il ne se restreigne pas, qu'il continue d'avoir un éventail large de centres d'intérêt comme maintenant, qu'on l'aide à rester lui-même en quelques sortes.
La socialisation est le processus par lequel les individus participent aux relations sociales et apprennent à vivre en société (socialisation primaire pendant l'enfance, socialisation secondaire à l'adolescence et à l'âge adulte).
Les individus adoptent les normes et les valeurs du ou des groupes auxquels ils appartiennent (la famille, le groupe d'appartenance/de contact), ils apprennent le rôle qu'ils doivent jouer au sein de ces groupes. Un individu peut modifier sa socialisation (nouvelles normes, nouvelles valeurs, nouveaux rôles) par envie d'intégrer un autre groupe, le groupe de référence, celui qu'il admire et prend pour modèle. C'est la socialisation anticipatrice.
La conformité au groupe? L'imitation des modèles? Les autres comme agents socialisateurs?
N'est-il pas facile de se perdre soi-même tant nous souhaitons être accepté, obtenir une place ou une reconnaissance dans notre famille, dans notre groupe d'appartenance ou notre groupe de référence?
Fatalement, je repense à la petite fille que j'étais à l'âge de Fiston.
Nous étions très pauvres. Réfugiés politiques cambodgiens, nous sommes arrivés au début des années 80 en France sans rien. Le salaire d'ouvrier de mon père ne nous permettait pas toujours de manger à notre faim. Néanmoins il s'arrangeait pour m'offrir régulièrement un nouveau livre, parfois une BD, parfois un roman (les romans à 10 francs à Carrefour!) et parfois grâce à son CE une encyclopédie. Il entrait dans ma chambre et posait juste le livre là où je le trouverais.
Parfois je dévorais ce livre en quelques jours, parfois je n'y touchais pas du tout, mon père ne m'obligeait pas à le lire.
Il m'a offert les Lettres de mon moulin d'Alphonse Daudet à 8 ans et je ne l'ai jamais ouvert. Il m'a offert Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand à 9 ans et c'est encore ma pièce préférée à l'heure actuelle. Il m'a offert un livre sur les fantômes en Ecosse quand je devais avoir 11 ans, je l'ai dévoré et je l'ai vite donné à quelqu'un pour m'en débarrasser tellement j'ai la trouille des esprits tourmentés xD.
Par contre, lorsqu'il s'agissait d'un livre que je devais lire de façon obligatoire pour l'école, personne ne pouvait me le faire lire en entier, je ne voulais pas. Je lisais un peu le début, un peu le milieu et un peu la fin avec la couverture et je m'en tirais avec une bonne note quand même mais je ne voulais pas lire un livre juste parce que j'y étais obligée.
Je me demande si j'aime lire parce que j'ai eu l'opportunité de lire beaucoup ou si c'est parce que mon père s'est rendu compte que j'aime lire qu'il m'a offert tous ces livres. Ni lui ni moi ne le savons mais je l'ai remercié de m'avoir offert tous ces livres.
J'ai l'impression que tout ce que je sais, je l'ai appris dans les livres. A chaque fois que je cherchais quelque chose, je commençais d'abord à regarder dans les livres (il n'y avait pas internet comme aujourd'hui).
Quand, à l'adolescence, j'ai eu envie de ne plus être une bouffonne sans ami (= l'équivalent d'une boloss d'aujourd'hui), c'est-à-dire que j'ai voulu être plus comme les autres filles, j'ai commencé à étudier des magazines féminins (comme Jeune et Jolie!) pour "me trouver une personnalité". Je me rappelle qu'à l'époque, j'étais persuadée que je n'en avais aucune alors qu'aujourd'hui je réalise plus que jamais que c'était en fait tout le contraire.
J'apprends dans ces magazines les rudiments de la mode (mais je n'ai pas les moyens de porter des fringues branchées), les noms des groupes de musique qu'il faut connaître, les films qu'il faut avoir vu, en 1998 alors que la coupe du monde se joue en France, je m'intéresse même au foot jusqu'à apprendre les règles pour pouvoir commenter un match s'il le fallait et paraitre intéressante. Pourtant si vous saviez ce que je m'en cogne du foot!
Je me pose aussi la question des passions ou des hobbies qu'on choisit. Par exemple, je n'ai jamais fait de randonnée de ma vie mais est-ce que j'aimerais la randonnée si on m'avait proposé d'en faire? J'ai une collègue qui a essayé la plongée avec son petit copain de l'époque et elle n'a plus le mec mais a gardé la plongée comme passion.
Les années ont passé, je me suis intéressée à des tas de choses qui ne m'intéressaient pas pour mieux m'intégrer à des groupes... Qui ne m'intégraient jamais vraiment. Je ne les vois même plus aujourd'hui.
Aujourd'hui, j'aimerais retrouver la vraie moi qui s'est perdue à force de vouloir se conformer à des groupes de référence bidons. Je m'affirme maintenant et je n'ai plus honte d'aimer les choses que j'aime, je n'ai plus honte d'être qui je suis mais je n'arrive pas toujours à saisir la nuance entre ce que j'aime vraiment et ce que je croyais aimer.
J'aimerais éviter à Fiston d'avoir à faire ce long travail sur lui plus tard.
Alors qu'en pensez-vous? J'aurais bien developpé encore plus le sujet mais j'en aurais trop à dire. Vous pensez que vous aimez les choses que vous aimez parce que vous les aimez vraiment ou peut-être parce que vous avez été influencé?
Comment sont nées vos passions? (vous pouvez vous lâcher, je vous promets que je lirai TOUT)
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