J'ai dévoré le dernier livre de Gabriel Wahl, pédopsychiatre donc médecin spécialisé en psychiatrie, en quelques heures.
Il est court (un petit peu plus d'une centaine de pages), très complet (citant plein de sources), bien écrit et coûte seulement 9€, ce qui est peu par rapport à d'autres livres traitant du sujet pour 25€. La maison d'édition PUF (Presses Universitaires de France) est spécialisée dans la publication de revues scientifiques et de manuels universitaires, des choses sérieuses quoi.
Le livre commence par le rappel de l'historique de l'intelligence depuis Platon puis aborde les différents tests mis au point pour la mesurer. Passages nécessaires même si certains les trouveront peut-être longs, mais pour mieux comprendre les maux qui touchent nos enfants surdoués il faut prendre connaissance de tous ces éléments.
Gabriel Wahl parle p.107 de Wilfried Lignier, le sociologue qui dénonce dans son livre La petite noblesse de l'intelligence, une sociologie des enfants surdoués le lobbying des associations de parents en faveur des enfants intellectuellement précoces et qui présente ainsi le risque d'échec scolaire des surdoués comme "une mystification de nantis destinée à émouvoir les autorités académiques".
Pour commencer, mes parents ne sont pas des nantis, ils sont tous les deux ouvriers à l'usine (je rappelle que nous sommes des réfugiés politiques cambodgiens et que nous sommes arrivés pauvres en France au début des années 80). Mes beaux-parents sont de la même classe sociale que mes parents. Je ne suis pas non plus une nantie, mon mari et moi sommes dans le bas de la classe moyenne selon nos revenus, à quelques euros près de la classe populaire. Et nous avons tous les deux été identifiés comme surdoués, lui à l'adolescence, moi tardivement à 30 ans.
Si mon mari était effectivement en échec scolaire au moment de son bilan, c'est justement parce que son haut potentiel intellectuel a été bridé pendant toute sa scolarité. Moi je n'étais pas en échec scolaire mais j'ai arrêté d'être brillante en cours, je suis une fille et les filles se conforment un peu plus à ce qu'on attend d'elles, par contre j'ai subi l'effet Pygmalion négatif (selon Jean Charles Terrassier) et j'en paye encore le prix des années après pour retrouver la vraie moi à laquelle j'ai renoncé, avant. Je pensais que c'était le fait d'être "l'intello de service" qui me valait de ne pas être entourée d'amis comme tout le monde alors en arrivant au lycée où personne ne me connaissait, j'ai nivelé mes notes pour devenir un peu plus populaire (et ça n'a pas marché!) et j'ai poussé jusqu'à me désinvestir des études (ce qui n'est pas malin, j'en conviens).
Une de mes tantes au Cambodge est "attardée" (je n'aime pas ce mot mais je l'emploie), il s'agit de la petite soeur de ma mère. Le risque de déficience intellectuelle (QI<70) est d'à peine 2% dans la population générale mais grimpe à 5% si un oncle ou une tante est déficient, Wahl l'évoque p.36, c'est une des raisons pour lesquelles j'ai eu envie de vérifier mon QI il y a 4 ans, parce que j'ai toujours eu ce sentiment de décalage avec les gens qui me poussait à croire que j'étais peut-être déficiente moi-même, sans le savoir.
Wahl répond à certaines questions que je me posais, comme: les enseignants sont-ils perspicaces lors de l'identification d'un surdoué parmi leurs élèves, étant donné qu'ils passent beaucoup de temps avec nos enfants? La réponse est non (p.62): à peine 1 enfant sur 2 identifié comme surdoué par un enseignant se révèle l'être après vérification des tests. Peut-être faudrait-il suivre l'exemple des Etats-Unis où les enseignants peuvent bénéficier d'une formation pour mieux les identifier?
J'ai acheté ce livre (même si je n'aime pas la couverture qui peut tromper le lecteur non averti) parce que nous nous doutions que notre fils est ce que l'éducation nationale appelle un EIP (élève intellectuellement précoce). Les parents se trompent moins que les enseignants: 80% des parents ont eu leur soupçon de précocité chez leur enfant validé après le test (donc il y a quand même 20% qui se trompent, ce sont peut-être eux qui agaçent tout le monde au point que les parents d'EIP sont montrés du doigt comme s'ils essayaient de faire de leur enfant un singe savant).
Wahl cite l'inventaire d'identification de Jean Charles Terrassier p.65, je vous avais parlé de cet inventaire dans mon article Aurait-on vu dans mon enfance que j'étais surdouée? parce que c'est en tombant dessus au gré de mes lectures que j'ai commencé à me poser des questions sur le haut potentiel.
On aborde également p.98 le modèle de Betts et Neihart qui décrit 6 profils d'enfant précoce:
- l'enfant qui réussit, adapté, perfectionniste, se conforme aux exigences de la réussite, scolarité très performante, entretient d'excellentes relations sociales
- l'enfant provocateur, peu respectueux des règles et de l'autorité, prompt à la frustration et à l'ennui
- l'enfant effacé ou timide, préfère cacher son talent pour ne pas se singulariser auprès de ses camarades
- l'enfant en souffrance, en échec et en rupture avec l'école, le décrocheur
- l'enfant dont le surdon est contrarié par un handicap émotionnel ou d'apprentissage (ex: la dyslexie)
- l'enfant confiant, heureux de ses succès, de ses projets et de son indépendance
J'ai eu les 4 premiers profils (dans l'ordre 1-3-2-4).
Il y aura toujours des gens pour dire qu'ils ne croient pas que les surdoués existent, que les tests de QI ne valent rien, que tout ça, ce ne sont que des inventions de parents qui souhaitent attirer l'attention sur leur enfant ou de psy qui veulent vendre des livres.
Tous ceux-là seront par exemple surpris d'apprendre dans le livre de Wahl p.35 que plus ils sont jeunes, plus l'intelligence des enfants adoptés est proche de celle de leurs parents adoptifs mais plus ils grandissent et plus ils se rapprochent de celle de leurs parents biologiques (le QI n'est donc pas affaire d'environnement). Les détracteurs du QI utilisent aussi l'effet Flynn pour pouvoir dire que tout est bidon mais l'étude réalisée en 2005 par Philipp Adey et Michael Shayer sur 25000 collégiens a pu démontrer une régression du QI de 30 points en 30 ans, donc l'effet Flynn n'est pas vraiment prouvé.
P.102, il a été scientifiquement prouvé que le cerveau des surdoués fonctionne bien de façon différente (vous pouvez aussi voir l'article que j'ai rédigé, incluant des images prises par IRM). Le cerveau des surdoués est économe en énergie: la consommation en glucose des neurones, mesurée à l'aide de la TEP (méthode d'imagerie médicale), diminue chez les surdoués. Pour un même exercice, les surdoués utilisent un réseau de connexions cérébrales plus court, plus rapide et plus efficace. La vitesse de transmission de l'influx nerveux dans le cortex cérébral est plus élevée chez les surdoués. P.105, Wahl nous apprend que les tracés électroencéphalographiques des enfants précoces sont plus proches de ceux des adultes que des autres enfants = avance de la maturité physiologique cérébrale.
Je voulais lire ce livre parce que je voudrais me rassurer. J'ai peur que mon fils rencontre les mêmes problèmes que moi et cette peur s'accentue d'autant plus que je sais que plus le niveau de précocité est élevé, plus le risque de dyssynchronie pendant la trajectoire scolaire des enfants précoce est importante. Wahl en parle p.97 et ajoute que l'hostilité à l'école est l'un des plus sûrs cheminements qui mènent à l'échec scolaire.
Or Fiston a un QI global de 148 avec un profil hétérogène (on a un bilan orthoptique à prévoir).
J'ai un profil hétérogène également avec un QI global à 130.
Je suis une hyperémotive et bien que Wahl explique que tous les surdoués ne sont pas hyperémotifs, certains comme moi ou comme mon fils le sont, il dit que le surdon émotionnel pourrait représenter un obstacle à la réussite scolaire et sociale (p.80).
Heureusement, la lecture de ce livre me rassure un peu: p.52 Wahl affirme que "pour partie, I'indice de compréhension verbale (ICV) dépend de l'origine sociale et détermine la réussite scolaire". C'est cet indice qui est le plus haut chez Fiston: 152. Les indices les plus à prendre en compte pour la précocité intellectuelle sont l'indice de compréhension verbale (ICV) et l'indice de raisonnement perceptif (IRP), donc les subtests vocabulaire, similitudes, compréhension, matrices, identification de concepts et cubes (p.68-69).
A la fin du livre, on trouve les programmes d'adaptation pédagogique:
1- enrichissement
2- accélération
3- saut de classe
4- classe de niveau (classe spéciale EIP)
Mais apparemment ces mesures ne modifient pas grandement les performances scolaires des EIP (p.113), sauf pour une minorité: les plus fragiles émotionnellement et les plus vulnérables socialement. L'accélération de la scolarité ne diminue pas le niveau des performances scolaires de l'école à l'université. Les programmes scolaires enrichis ou accélérés sont pour la majorité des EIP sont une bonne réponse à leur goût du partage et de l'acquisition des connaissances. Les groupes et classes de niveau qui hiérarchisent les qualités scolaires des élèves ne semblent pas affecter le développement de la personnalité ou l'estime de soi.
Bon. Ben maintenant je n'ai plus qu'à attendre notre rendez-vous avec l'école pour connaitre la suite à donner à ce WISC IV.
Avez-vous lu ce livre? Qu'en avez-vous pensé?