Bonjour à tous!
Quand j'ai le temps, je regarde les statistiques du blog pour savoir ce que les lecteurs ont lu et s'ils étaient plus nombreux que d'habitude (vous êtes environ 250 par jour en ce moment). Mais aussi pour savoir comment ils sont arrivés sur ce blog.
Certains internautes sont arrivés ici en juillet 2014 (en fait j'ai rédigé cet article à cette date mais je ne l'avais pas publié), donc quelqu'un a mis un lien vers mon blog depuis cet url:
http://coincanape.purforum.com/t210p540-le-topic-des-morutons (c'est un forum privé, on ne peut pas y accéder sans être inscrit donc j'ignore ce qu'est le sujet de ce topic mais je suppose que ça parle de mutants morue-thon ou morue-mouton).
Ce qui m'a rappelé qu'il y a quelques années de ça, je passais ma vie sur un forum. Vraiment. MA VIE.
J'étais enceinte de mon premier enfant, j'étais une solitaire (je le suis toujours), je me posais plein de questions alors au début de l'année 2008, je me suis inscrite sur un forum spécifique pour femmes enceintes et mamans.
Au début, je me contentais de lire les topics qui pouvaient répondre à mes questions puis finalement n'y trouvant pas de réponses satisfaisantes à mon goût (n'oublions pas que je suis une perfectionniste et une éternelle insatisfaite), j'ai fini par trouver les réponses ailleurs. Mais j'ai continué à lire les topics de ce forum, bien que le langage si particulier des kikoolol me pique les yeux. L'interface était attrayant, les topics étaient classés correctement par catégories, on s'y retrouvait bien, mais surtout, j'ai réalisé que certaines utilisatrices nouaient des liens entre elles parce qu'elles fréquentaient le forum très régulièrement.
J'ai longuement lu le topic où on pouvait venir se plaindre de son horrible BM, la fameuse belle-mère. Ensuite je me suis présentée et j'y ai beaucoup contribué à l'époque, j'étais encore remontée contre la mienne pour tout ce qu'elle m'avait fait subir (aujourd'hui ça va beaucoup mieux entre elle et moi alors je vais rester agréable à ce sujet).
J'ai aussi participé à un topic sur les enfants métisses, puisque ce serait le cas de mon enfant franco-asiatique. C'est là que j'ai rencontré une de mes meilleures amies à l'heure actuelle (je t'embrasse fort si tu me lis ma poule). Puis j'ai contribué à répondre à certains topics comme par exemple ceux où des filles désespérées demandaient "suis-je enceinte?" en énumérant leurs supposés symptômes (j'ai les seins douloureux, j'ai des nausées, j'ai le bas-ventre qui tire, je fais de l'aérophagie, j'ai des boutons...) voire la manière dont ça aurait pu arriver. Evidemment la seule réponse logique possible à faire est "va faire un test de grossesse".
Puis j'ai intégré des groupes. Oui. Moi.
J'ai réussi à me faire des copinautes (je ne te traduis pas copinaute, tu peux lire le Petit Dico Franco-Fofo sur le blog de McMaman pour avoir un petit lexique du langage usuel sur un forum, si tu en as le besoin, blog très rigolo au passage).
Petit à petit, je passais de plus en plus de temps sur ce forum, jusqu'à y rester connectée quasiment toute la journée. Je faisais même partie des plus gros contributeurs. Mon statut de presque no-life me le permettant (je précise que ça ne m'a jamais empêchée de bien faire mon travail puisque je suis quelqu'un qui est capable de faire plusieurs choses en même temps, mes employeurs sont très satisfaits de moi). Mais mon Chéri n'appréçiait pas trop que je passe autant de temps connectée même quand j'étais avec lui le soir. On se prenait souvent la tête à ce sujet.
Moi je m'entêtais à lui répondre que les filles avec qui je parlais étaient devenues des amies, des vraies. Que sur ce forum on écoutait ce que j'avais à dire, qu'on me trouvait intéressante (pour une fois) et qu'il m'arrivait d'aider des gens, de me sentir utile, j'apportais des réponses développées et argumentées à certaines questions. J'échangeais pas mal sur les sujets qui me tenaient à coeur comme le développement durable, les couches lavables, l'allaitement ou encore la diététique/nutrition et le végétarisme. Mais j'y passais MA VIE.
Il y a néanmoins certains messages que j'ai postés à l'époque que je regrette maintenant.
Par exemple la fois où une maman est venue parler de ses déboires conjugaux avec son homme qui la battait. ils avaient un enfant en bas-âge, elle était revenue nous dire qu'elle retournait avec lui parce qu'il avait promis qu'il regrettait et qu'il ne le ferait plus. Je m'étais emportée en lui disant que cet homme l'avait déjà frappée une fois, qu'il recommencerait et que si ça se trouve, il frapperait leur enfant un jour. Mais finalement, de quoi je me mêle? Qui suis-je moi à travers mon écran et mon clavier pour les juger alors que je ne les connais même pas? De toute façon, est-ce que mes messages visant à secouer cette fille l'aidaient vraiment? Je ne pense pas. Et je ne sais pas ce qu'elle est devenue.
Et cette fois où une autre maman est venue parler des soupçons qu'elle avait sur son ex-beau-père, parce que le papa déposait la gamine chez le grand-père plutôt que de s'en occuper lui quand c'était son tour de garde (ils étaient séparés). Apparemment la petite parlait et disait des choses qui pouvaient laisser croire qu'elle avait subi des attouchements de son grand-père. La maman nous tenait au courant de l'avancée de ses soupçons, jour après jour. Cette histoire m'a beaucoup remuée, comme à chaque fois que j'entends que des enfants sont victimes de gros malades qu'il faudrait enfermer pour toujours (je ne suis pas pour la peine de mort).
J'ai été très virulente à son encontre. Je trouvais qu'elle prenait trop de temps pour réagir, je la jugeais mauvaise mère. Je ne comprenais pas pourquoi elle continuait de laisser cette enfant innocente à cet homme alors que visiblement la petite ne voulait pas y aller. J'ai même fini par me prendre la tête avec une très bonne copine qui la défendait, parce que je m'acharnais sur cette pauvre maman (toi aussi si tu me lis je t'embrasse fort ma poule), j'avais fini par croire que ce n'était qu'un troll qui s'occupait comme il pouvait sur notre fofo à nous.
Du coup, je n'y ai pas été de main morte. Jusqu'au bout, je l'ai traitée comme un troll, parce que pour moi à ce moment-là, une bonne maman empêcherait sa fille par tous les moyens d'aller chez celui qu'elle soupçonne de lui faire du mal. En tout cas, c'est ce que j'aurais fait moi. Mais je crois que la phrase de ma copine a fait tilt dans ma tête quand elle m'a dit "tout le monde ne fonctionne pas comme toi, tu es trop dure". Cette prise de tête m'avait perturbée mais j'admirais ma copine qui était douce et gentille avec tout le monde en toute circonstance (ce que je me sens incapable de faire).
Parce qu'en fait, faire partie d'un gros groupe, populaire qui plus est, ça fait tourner la tête (on parle de phénomène d'appartenance groupale). Ca te fait te sentir puissant. Tu perds un peu tes repères, ton jugement entre ce qui est bien et ce qui est mal est pollué (lire l'étude que je vous mets en lien en fin d'article). Et là tu réalises que c'est comme à l'école. Rappelle-toi: au collège ou au lycée, tu voulais à tout prix faire partie des populaires, tu voulais qu'ils te laissent traîner avec eux, tu as tout fait pour ça, tu voulais tellement qu'on t'aime toi aussi. Et sans t'en rendre compte, paf, tu deviens toi aussi parfois cruel (tu peux lire mon article sur la sociométrie dans les groupes ou celui sur l'intelligence sociale qui aborde les phénomènes de groupe)
Bon, je dois admettre qu'il y a eu une fois où j'ai terrorisé une pauvre internaute sur ce forum et j'étais la seule mise en cause. Il faut dire qu'elle m'avait énervée pour je ne sais plus quelle raison (je vous jure, impossible de m'en rappeler) et pour lui fermer son clapet une bonne fois pour toutes, j'ai lu l'ensemble de tous ses posts sur le forum (ça ne m'a pris qu'une vingtaine de minutes) et j'ai condensé toutes les infos perso qu'elle avait disséminé ici et là puis j'ai tout listé d'un coup, en un seul message qui lui était adressé sur le topic de notre désaccord. Elle venait de telle ville, elle avait fait une fausse couche à telle date (je lui avais quand même dit que j'étais désolée de l'apprendre), elle exerçait tel métier, ses enfants avaient tel âge, quel était son plat préféré, sa destination pour ses prochaines vacances, enfin vous voyez ce genre de choses qui, alignées les unes à la suite des autres, commencent à dépeindre qui vous êtes. Et n'importe qui aurait flippé à sa place.
Ca c'est pour les choses que je regrette.
Maintenant ce forum m'a tout de même apporté beaucoup. Comme des amies, des vraies. Celles qui prennent des nouvelles pour réellement prendre des nouvelles (pas pour aller ensuite dire du mal de moi dans mon dos), celles qui souhaitent vraiment savoir si tu vas bien, celles pour qui tu comptes et qui t'écoutent alors que tes problèmes n'en sont pas vraiment aux yeux des gens... Ca m'a aussi ouvert les yeux sur le fait que le virtuel doit parfois rester à sa place virtuelle et ne pas prendre le pas sur la vraie vie. Le personnage virtuel n'est pas toujours ce qu'on croit dans la vraie vie.
Comment je me suis détachée de ce forum alors que j'ai passé 3 années dessus pratiquement 24H/24?
Naturellement en fait.
J'ai fait une fausse couche, j'ai perdu mon bébé lors de ma seconde grossesse. J'ai ouvert un topic pour en parler, j'avais besoin de mettre des mots pour évacuer tout ça. J'ai reçu beaucoup de messages de soutien, vraiment beaucoup, ça m'a touchée, j'allais de moins en moins sur le forum, j'essayais de tenir le coup mais c'était devenu trop difficile de lire toutes ces femmes enceintes.
Puis je n'étais pas vraiment moi-même avec les groupes qui m'avaient admise, les rares fois où je me suis dévoilée un peu, j'ai eu l'impression que ça ne collait pas, qu'elles préféraient la fausse moi que je jouais pour être avec elles, j'ai eu peur d'être à nouveau rejetée, comme à l'école. J'étais un personnage superficiel qui se marrait et riait parfois aux dépens des autres, cette fausse amitié ne tenait à rien.
Une fois j'ai raconté au groupe dans lequel j'étais le plus souvent la façon dont le père de ma mère a trouvé la mort. C'est quelque chose que je raconte rarement. Parce que c'est presque risible, comme dans un cartoon. Et bien, personne ne m'a crue. Enfin si peut-être, mais on m'a dit "c'est quand même difficile à croire". La confiance règne. Je m'en suis mordue les doigts.
Dans les années 60, le Cambodge n'avait pas encore subi la guerre, ma mère était petite et toute sa famille s'apprêtait à manger en extérieur. Mon grand-père que je n'ai jamais pu connaître donc, a été foudroyé alors qu'il tenait un couteau, pointe vers le haut, il allait découper la nourriture pour la partager. Il est décédé sur le coup, devant toute sa famille. Ma pauvre mère a vu la vie quitter le corps de son père en l'espace d'un éclair, sans mauvais jeu de mots. C'est quand même difficile à croire n'est-ce pas? Pourtant l'APF (l'association Protection Foudre) rapporte, en France, 10 à 30 décès par an dus à la foudre, vous pouvez vous instruire un peu en lisant CA.
3 ans à partager mon quotidien avec ces parfaites inconnues, croyant qu'elles étaient devenues bien plus. C'est après cette histoire que j'ai compris.
J'ai traversé ma dépression en 2011, je me suis complètement isolée. J'ai ouvert mon blog. Il me prend pas mal de temps parce que même si je publie moins souvent qu'avant, la préparation et la rédaction d'un article sont chronophages: j'effectue des recherches, je lis beaucoup et je condense, je me relis et je corrige mes tournures de phrases, je mets des liens vers les sources que j'ai séléctionnées (parce que je ne vous mets pas tout ce que je lis!), je choisis des images, il m'est impossible de faire ça en 10 minutes.
J'ai gardé contact avec une poignée de copinautes mais je n'ai plus de nouvelles de personne d'autre.
Je suis toujours un peu cyberdépendante mais j'évite ce qui ressemble de près ou de loin à un forum. Je lis plein de choses différentes, diverses et variées sur le net, selon mes envies, en fait dès qu'un sujet de réflexion me passe par la tête, j'ai besoin de trouver des réponses et je cherche, je cherche, je cherche. Si j'avais eu internet quand j'étais petite, je crois que je serais pire qu'aujourd'hui :D.
Mon smartphone, c'est mon précieux. Dès que j'ai un moment, je le dégaine et je lis ce que je trouve par exemple l'historique autour d'un film que j'ai bien aimé (j'ai adoré le thriller coréen The Chaser diffusé il y a quelques jours sur la TNT, vous saviez qu'il avait eu une standing ovation de 10 minutes au festival de Cannes en 2008 et qu'il était inspiré d'un vrai serial killer coréen?), comment fabrique-t-on la céramique (si quelqu'un a un four de potier, j'essayerais bien) ou un des 20 livres numériques/électroniques (appelez-les comme vous voulez, apparemment il y a une appellation officielle mais tout le monde dit "électroniques") qui sont stockés à l'intérieur. Pour lire les livres, j'utilise l'application Androïd Mantano Reader et pour les bandes dessinées que j'utilise Perfect Viewer (après avoir si besoin dézippé les fichiers à l'aide de l'application ZArchiver).
Je passe aussi énormément de temps sur . J'adore. Je reste anonyme, il n'y a besoin de parler à personne (quoique, hier pour la 1ere fois j'ai reçu un gentil message d'une femme qui me disait que je devais avoir l'air d'être quelqu'un d'intéressant vu les tableaux que j'ai et le nom que je leur ai donnés, ça m'a fait plaisir) et c'est très enrichissant pour la créativité.
Je n'ai pas de compte Facebook, ni Twitter, je n'aime pas le principe (j'ai essayé FB durant 24h et il m'est arrivé de lire certains tweets navrants). J'ai un compte Instagram mais c'est un compte privé où je suis surtout quelques copains qui habitent loin et je n'y suis pas très active, je prends des photos de mes enfants, de mes chats et de ce que je mange.
Et la vie réelle dans tout ça? J'ai l'impression que je n'ai personne dans mon entourage qui soit passionné par tout et rien à la fois comme moi, avec qui je pourrais échanger ou apprendre sur tout et n'importe quoi, sans que ça ne fatigue tout le monde.
J'ai conscience que je ne devrais pas m'enfuir dans ce cybermonde qui m'attire, je devrais me mêler un peu plus au vrai monde qui m'entoure, selon ce qu'on attend de quelqu'un de vivant, d'équilibré et d'enjoué, mais... J'y travaille.
Et vous, quel est votre rapport à internet? Vous surfez occasionnellement? Beaucoup? De façon maladive comme moi?
Pour en savoir plus sur les addictions: revue Toxibase n°6 juin 2002 (la partie sur la cyberdépendance commence à la page 11)
CNRS et université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand (Armelle Nugier, Paula M. Niedenthal et Markus Brauer): Influence de l'appartenance groupale sur les réactions émotionnelles au contrôle social informel
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