Rappel des faits (désolée d'avance mais l'article sera long):
- samedi 19 février 2011 dans la soirée, alors que je me rends à une fête où je n'ai absolument pas envie de me rendre, je commence à perdre du sang, ce n'est ni rouge ni abondant, mais en continu. Je suis à 6SA et 2 jours, ce qui signifie que je suis enceinte et que ça fait 6 semaines et 2 jours que je n'ai pas eu mes règles. Toutes les personnes présentes à cette soirée, qui s'étonnent que je ne m'amuse pas, me répondent la même chose: perdre un peu de sang quand on est enceinte, ça arrive, il ne faut pas s'affoler. J'ai terriblement mal mais j'essaye de leur faire confiance, parce que plusieurs d'entre elles sont des femmes qui ont eu un beau bébé malgré des saignements pendant leur grossesse. Néanmoins, je ne m'amuse absolument pas: j'ai trop mal. J'emporte mon fils de 2 ans et demi avec moi et nous allons nous reposer dans la voiture d'un ami (nous n'avons pas de voiture), sur le parking de la salle des fêtes d'un village dans le trou du cul du monde, à la campagne dans la région bordelaise. Mon fils dort sur la banquette arrière, au chaud sous mon blouson et un gros pull. Moi j'ai trop mal et bien trop froid pour dormir. La fête bat son plein.
- lundi 21 février 2011 dans l'après-midi, mon mari, mon fils et moi-même nous rendons à la maternité pour une visite de contrôle parce que je continue de saigner, toujours peu mais en continu. Mon obstétricien attitré ne peut pas me recevoir, c'est une autre, bien plus jeune, qui m'osculte. Elle dit que je perds vraiment beaucoup de sang et que ce n'est pas bon signe. J'ai peur. On se rend alors dans la salle pour faire une échographie. Alors que je suis à 6SA et 4 jours, on ne voit qu'un sac tout noir à l'écran, elle a beau tourner son engin dans tous les sens en moi, elle est catégorique: "grossesse arrêtée, pas de doute". Ces mots qu'elle a choisis, le ton qu'elle a employé, tout ça reste gravé à jamais dans mon excellente mémoire. Le monde glisse sous mes pieds, tout tourne autour de moi, je n'étais pas préparée à cette éventualité, je m'étais persuadée que tout allait bien, qu'il s'agissait bêtement comme on me l'avait dit à cette putain de fête d'un décollement de placenta, que c'était bénin, un peu de repos et hop, j'aurais un beau bébé quand même. Mais non je devais me rendre à l'évidence, mon bébé a arrêté de se développer depuis plusieurs jours et les saignements sont là pour me montrer que mon corps commence à l'évacuer.
- mercredi 23 février 2011 je ne perds plus de sang. Un mince espoir que l'obstétricienne que j'ai vue se soit trompée et soit une incompétente me traverse l'esprit. Elle m'avait laissé des comprimés de Cytotec à prendre pour aider mon corps à évacuer les restes de mon bébé et ainsi éviter l'opération (le curetage qui consiste à aspirer les restes, sous anesthésie générale), je devais attendre le week-end suivant pour voir si la nature faisait son travail toute seule. Maintenant que je ne saigne plus, je me demande si je ne ferais pas mieux d'avoir la certitude que le bébé est bien mort avant de prendre le Cytotec. J'appelle la maternité, mon obstétricien attitré est là, il dit qu'une nouvelle échographie pourra me rassurer, il me donne rendez-vous pour le lendemain, date à laquelle je devrais être à 7SA, donc normalement, on devrait voir aisément une activité cardiaque. Sauf qu'il n'y en a pas. C'est sûr, ce bébé n'est plus. Je prends le Cytotec et pendant près de 3 semaines j'aurai des saignements abondants.
- jeudi 3 mars 2011 je revois mon obstétricien attitré, il confirme que mon utérus est bien vide et que le Cytotec a bien fait effet. Il me montre que mes ovaires vont bien. Il m'explique que je peux à nouveau être enceinte, que rien ne m'en empêche biologiquement.
- jeudi 6 octobre 2011 ça fait maintenant des mois que j'ai fait ma fausse couche, le mois d'octobre est le mois pendant lequel j'étais censée accoucher. Je tiens un journal de l'après-fausse couche sur mon blog qui me permet de dater mes états d'âme par rapport à cette grossesse arrêtée. Mais je ne tiens plus d'agenda précis concernant mes dates de règles parce que j'essaye de ne plus me focaliser sur mes dates d'ovulation ou autre, j'essaye de ne pas faire de fixation sur une nouvelle grossesse, je sais que le mental est plus fort qu'on ne le croit sur le corps. Un des articles de mon blog daté du 8 septembre mentionne que j'ai mes règles. Je peux donc approximativement fixer une date mais je sais que ce n'est pas le 8 septembre 2011 qu'a débuté le cycle de mes dernières règles.
- jeudi 13 octobre 2011 je n'ai toujours pas mes règles. Mon mari insiste pour que je fasse un test de grossesse. Bizarrement je ne suis pas pressée. Il m'est déjà arrivé d'avoir un peu de retard et de m'être fait de faux espoirs. Le soir, je rentre du travail, je fais le test comme convenu, en très peu de temps il vire positif. Je suis sous le coup d'émotions perturbantes. Je pleure de panique, pas d'émotion. Lui, il semble ravi. Je me sens distante et froide vis-à-vis de cette grossesse. Je ne me sens pas enceinte alors que tout me pousse à le croire. Et le test a donné sa réponse à une vitesse fulgurante alors pourquoi nier l'évidence.
Aujourd'hui, je suis approximativement arrivée au stade de l'arrêt de ma grossesse précédente. Coïncidence: mon mari est parti avec mon fils sur Bordeaux pour quelques jours pour les vacances scolaires, ainsi je peux me reposer seule ici, parce qu'ils sont partis sans moi cette fois.
Tout a l'air de bien se passer. Je suis certainement submergée par les hormones parce que j'ai de très fortes nausées. Mon goût dans la bouche est perturbé, certains aliments me dégoûtent alors que normalement j'en rafolle (même mes chips chéries ont un goût dégueu). Ce lundi 17 octobre, j'ai même vomi à 3 reprises. J'ai les seins très sensibles et un peu douloureux. Mon ventre tire en fin de journée, je suis constamment somnolente, ce qui me ravit parce que j'arrive à dormir d'une traite certaines nuits jusqu'au matin, chose inhabituelle vu que normalement je suis sujette aux multiples réveils nocturnes.
J'ai décidé de ne pas annoncer ma grossesse pour le moment au bureau mais j'ai mis quelques collègues que j'apprécie dans la confidence. En effet, lors de ma dernière grossesse (celle qui s'est arrêtée), on m'avait fait remarquer qu'il ne fallait jamais annoncer une grossesse aussi tôt (je l'avais annoncée à 5SA), parce qu'on ne sait jamais ce qui peut arriver. Evidemment, c'était avant que je ne perde le bébé. Ils n'ont pas eu la connerie et la méchanceté de me faire ces réflexions quand je suis revenue de l'arrêt de travail suite à ma fausse couche. Mais il semblerait que c'est ce que certains ont dit dans mon dos pendant ma semaine d'absence. Pourtant, j'étais bien contente d'en avoir parlé aussi tôt parce que si j'avais dissimulé ma grossesse, j'aurais eu à d'abord expliquer que j'étais enceinte et ensuite que je ne l'étais plus. Là cette étape a pu être sautée.
Ils ne m'ont pas rendue superstitieuse (je suis trop cartésienne pour ça), ce n'est pas pour ça que je n'ai encore rien dit au bureau. C'est uniquement parce que j'ai eu du mal à accepter moi-même cette grossesse au début. Et également parce qu'il y a déjà 2 filles qui ont annoncé leur grossesse et les remarques déplaisantes ont commencé à pleuvoir dans les couloirs, des remarques du type "il faudrait envisager de ne plus recruter que des hommes ou des femmes ménopausées parce que les services vont se vider avec toutes ces femmes enceintes".
Lors de ma toute première grossesse, mes employeurs ont évoqué mes 20 semaines d'absence consécutives (16 semaines de congé maternité et 4 semaines de congés payés que j'ai accolées à mon congé maternité) pour me priver d'augmentation annuelle: "vous avez manqué une bonne partie de l'année". Les augmentations sont décidées chaque année lors du conseil de direction en janvier. Ce n'est qu'après cette date que j'aurai l'intention d'annoncer ma grossesse. Je serai alors enceinte de 3 à 4 mois, ce qui se verra à peine, tout dépendra de ma façon de m'habiller. Mais mes employeurs ne sont pas des enfoirés non plus: j'étais en CDD quand j'ai annoncé ma toute première grossesse début 2008, ils m'ont quand même gardée et j'ai pu signer un contrat en CDI à 6 mois de grossesse. Ils ont juste évoqué une excuse bidon pour ne pas m'augmenter à mon retour de congé maternité début 2009, ça ne signifie pas qu'ils sont anti-femmes enceintes au travail. Je n'ai jamais senti de discrimination de la sorte. Les remarques déplaisantes que j'ai mentionnées plus haut provenaient de certains employés, notamment des cadres, même de femmes, ça m'a dégoûtée. Quand je pense qu'il y a des femmes encore plus misogynes et machistes que les hommes, c'est terrifiant.
Je n'ai cependant pas pu éviter de faire remarquer lors de cette conversation que le cabinet n'allait tout de même pas commencer à pratiquer une telle discrimination (ne plus engager de femmes en âge de procréer) parce qu'un congé maternité normal ne dure pas 107 ans et que les femmes enceintes ne perdaient pas leurs compétences juste à cause de leur grossesse. Oui c'est vrai, m'a-t-on répondu.
Je travaille dans un cabinet d'expertise comptable. La période où notre activité est la plus forte se situe sur mai et juin, parce que c'est la période à laquelle il faut rendre les déclarations fiscales de nos clients.
D'après mes calculs, je partirai en congé maternité en mai. Ouch. Mon service risque d'en être tout chamboulé. Je ressens un peu de remords vis-à-vis de ma chef, je l'adore, mais c'est la seule du service qui n'est pas au courant: je ne peux pas prendre le risque qu'elle divulgue l'info à mes patrons, puisqu'elle est cadre. Je me rassure en me disant que lorsque j'annoncerai la nouvelle en janvier 2012, on aura tout notre temps (3 à 4 mois) pour former une personne chargée de me remplacer pendant mon absence.
Evidemment, j'arrête de me rendre à la salle de sport pour mes activités favorites, terminés les cours de RPM et le Bodycombat. Je reprendrai après avoir accouché, bien sûr après avoir fait la fameuse rééducation périnéale. Je ne suspends pas mon abonnement parce que j'ai accès à tous les clubs de la chaîne et que je peux toujours me rendre à la piscine pour participer aux cours d'aquagym prénataux.
J'ai appelé la maternité pour prendre rendez-vous avez mon obstétricien. J'ai rendez-vous le 15 novembre 2011 pour une échographie de datation. Je suis pressée d'avoir la preuve visuelle que ce bébé va bien.