On a tous déjà entendu le terme de surdoué. Je l'ai déjà entendu mais j'avais une vision déformée de ce qu'était réellement un surdoué. Je croyais qu'un surdoué était obligatoirement un génie avec une mémoire photographique phénoménale, capable de faire du calcul mental rapidement et apprenant de nouvelles capacités à la vitesse de l'éclair. Un mec comme le héros de la série Code Quantum quand j'étais ado, qu'est-ce que je l'aimais lui! Ces mecs-là existent, mais ils sont minoritaires chez les surdoués.
Mais bon, avec cette vision que j'avais des surdoués, je ne me suis jamais sentie comme telle. Je pensais que j'étais stupide et bonne à rien, que je sois une surdouée ne m'a jamais frôlé l'esprit jusqu'à il y a peu.
Etre surdoué, je l'apprendrai plus tard, ce n'est pas qu'une question de QI. C'est un fonctionnement cognitif différent de la norme, qui influe sur TOUT LE RESTE.
Le cerveau régit pas mal de choses dans votre vie.
Ce fonctionnement cognitif différent influe sur votre façon de dormir, d'écrire, de parler, d'agir, d'apprendre, de vous comporter avec les autres, d'appréhender le monde qui vous entoure et tout un tas de choses qui peuvent vous handicaper et vous amener à être en souffrance.
Bien sûr, il y a des surdoués épanouis, qui réussissent dans la vie, nous ne saurons pas combien parce qu'ils ne consultent pas, puisque tout va bien.
Par contre, selon les chiffres de certaines associations, il semblerait qu'il y ait environ 30% des surdoués qui sont mis en échec par le système scolaire français.
Je fais partie de ceux-là. Mon parcours, sans être le plus catastrophique, est assez caractéristique.
Etre surdoué ne garantit aucune réussite sociale. Parce qu'avoir un haut potentiel c'est joli, mais un potentiel inexploité, même haut, ne mène nulle part.
Je suis actuellement secrétaire, j'ai aussi fait des petits boulots de serveuse et de vendeuse, je n'ai pas fait de longues études supérieures, l'école n'était vraiment pas mon truc.
Ah mais l'intelligence, c'est aussi de s'adapter, diront certains d'entre vous. C'est pas faux. Mais s'adapter à un monde qui n'est vraiment pas fait pour vous, ce n'est pas aussi facile que ça en a l'air, certains tentent de s'adapter, comme j'ai essayé, mais c'est au prix de beaucoup de sacrifices qui mènent parfois à renoncer à son vrai soi, à démolir sa vraie personnalité et le mal-être s'installe insidieusement.
On est vulnérable, on est mal, on se sent fou, anormal, en perpétuel décalage, on se sent inadapté pour ce monde mais on ne sait pas vraiment pourquoi.
Savez-vous qu'au test de Rorschach (le test des taches d'encre) les surdoués produisent des réponses qui ressemblent à celles produites par les schizophrènes? A cause de leur mode de pensée qui part dans tous les sens! Faites ce test avec un psy qui ne cherchera pas à savoir si vous êtes surdoué et vous serez bon pour un traitement contre la schizophrénie. Alors que ce n'est évidemment pas ce qu'il vous faut.
Tous les surdoués ne se ressemblent pas: chaque être est différent et a sa personnalité propre. Mais certaines caractéristiques sont récurrentes.
Commençons par expliquer en quoi le fonctionnement cognitif n'est pas le même chez les surdoués. En vous référant à cet article, vous voyez que le cerveau n'analyse pas de la même manière. En vous référant à celui-là, vous apprenez que les surdoués sont hyper réceptifs à tous les stimuli extérieurs et souffrent de déficit d'inhibition latente. Ils pensent tout le temps, tout en étant "branchés" tout le temps sur le monde qui les entoure. Cette hyper réceptivité et cette sensibilité sont anxiogènes.
Le cerveau du surdoué ne s'arrête jamais de penser, même quand il voudrait dormir, il pense. Cependant, quand il dort, il a des phases rallongées de sommeil paradoxal, ce qui expliquerait la performance de sa mémoire (voir ce doc).
Je suis sujette aux insomnies. Je dors très mal, j'ai toujours très mal dormi. Mes nuits sont divisées en morceaux, coupées par des réveils. Je pense à une chose, qui me fait penser à d'autres choses, qui me font penser à d'autres choses et ainsi de suite. Je me pourris des nuits entières comme ça. Pourtant j'adore dormir. Les moments où je veux éviter de penser, je fais tourner des chansons dans ma tête, comme si j'écoutais des CD. C'est ma façon de "débrancher".
Mais il ne faut surtout pas que je me mette à penser aux chanteurs, à ce que j'ai entendu sur eux dernièrement, à l'émotion que me procure la chanson parce que je l'écoutais à une certaine période de ma vie et que ça m'y renvoie etc. C'est pas évident. Et puis des fois la chanson ne marche absolument pas, parce que les pensées sont trop fortes et ne me quittent pas, comme à chaque épisode dépressif que j'ai traversé, là dernièrement par exemple il y a eu ma fausse-couche.
L'enfant surdoué a entendu qu'il apprendrait des tas de trucs à l'école. Puis il est déçu.
Mon enseignement scolaire ne m'a pas tant apporté que ça.
Souvent, l'enfant surdoué a déjà appris à lire avant d'entrer au CP. Il aime acquérir de nouvelles connaissances, il est auto-didacte, il va les chercher lui-même s'il le veut (il adore lire des dictionnaires, des encyclopédies, des livres sur tous les sujets, maintenant avec internet il a accès à toutes sortes de données).
Déjà il se sent en décalage avec ses camarades de classe: il n'est pas comme eux, il ne joue pas pareil, il ne parle pas pareil, il n'a pas le même vocabulaire, il n'a pas les mêmes centres d'intérêt, il ne se pose pas les mêmes questions, il n'a pas les mêmes préoccupations.
L'enfant surdoué est plutôt un solitaire, il recherche plutôt la compagnie d'enfants plus grands ou des adultes.
Il est naturellement curieux de tout, il pose sans arrêt des questions, il a soif d'apprendre et de comprendre, c'est vital pour lui (je n'exagère pas sur le mot vital). Il comprend et analyse assez bien, il est très lucide.
Ah la phase des pourquoi. Tous les enfants la traversent. Certains plus tôt que d'autres (mon fils est dans cette phase depuis presqu'un an, il a 3 ans).
Les questions sur tout: sur eux, les autres, les origines et le devenir du monde, la vie et la mort, etc.
Quel parent, quel adulte n'en a pas eu marre d'y répondre? Quel parent, quel adulte a la réponse à tout? L'enfant surdoué connaît ses premières frustrations et surtout, il se rend compte que ce besoin vital de tout comprendre ne sera jamais assouvi mais en plus agace sensiblement les autres. Il assimile penser=souffrir.
Il va se refermer et se créer son petit monde solitaire où il se croira à l'abri de l'hostilité et du rejet.
A l'école, les méthodes d'apprentissage ne correspondent pas à sa façon de faire à lui. Il doit se conformer à ce que l'éducation nationale attend de lui. Mais sa différence se fait sentir.
Souvent par exemple, l'apprentissage de l'écriture est difficile: le cerveau va plus vite que la main alors le surdoué écrit très mal (aujourd'hui si je m'applique et que j'écris lentement, je peux avoir une belle écriture de fille mais si j'écris "normalement" c'est moche et illisible, heureusement que maintenant on écrit avec un clavier, là j'assure).
En cours l'enfant surdoué comprend vite, trop vite que parfois, il n'est pas capable de restituer la manière dont il a trouvé la réponse. Il "sait" mais ne peut pas expliquer comment il sait. Ou alors il n'arrive pas à suivre parce qu'il a déjà compris, il s'ennuie parce qu'en plus il ne peut pas montrer qu'il sait (l'enseignant doit aussi interroger les autres), il décroche et il finit par ne pas obtenir de bons résultats parce qu'il n'accordera plus d'intérêt à l'école. Il est même parfois en échec scolaire, il se déscolarise.
Or le surdoué est perfectionniste, il a horreur de l'échec et échouer là où d'autres réussissent, ça veut dire pour lui qu'il est nul, stupide, il perd confiance en lui.
Son fonctionnement cognitif différent exacerbe ses réactions et ses émotions: tout sera vécu plus intensément chez lui, tout sera excessif, la tristesse, la joie ou la colère, il sera super euphorique, super déçu, super susceptible etc.
L'enfant surdoué est souvent solitaire, il a peu d'amis, les autres enfants le tiennent souvent à l'écart, personne ne peut vraiment dire pourquoi il est rejeté. Il finit par s'isoler de lui-même, même sans le vouloir consciemment. Même quand il est avec les autres, il se sent seul (et ça persiste à l'âge adulte dans mon cas, sûrement dans d'autres aussi).
Un enfant a besoin de s'identifier à ses pairs, de trouver un effet miroir pour se forger sa personnalité. D'ailleurs, l'enfant surdoué est persuadé que tout le monde a le même fonctionnement cognitif que lui, il pense que tout le monde pense comme lui. On pense tous que tout le monde pense comme nous, c'est normal.
Comme je l'ai dit plus haut, il n'est pas toujours capable de restituer la manière dont il a trouvé la réponse. Et bien dans ses relations avec les autres c'est pareil: il parle mais il n'est pas bien capable de restituer son idée, il pense à tant de choses en même temps, ses pensées partent dans tous les sens, parfois il bégaye parce que le cerveau va plus vite que la bouche, parfois ses mots se mélangent... Ce qui serait plus simple, c'est que les autres lisent directement dans ses pensées, ainsi pas de difficulté de restranscription. Sauf que ce n'est pas possible. Et souvent, comme il s'est exprimé à sa façon, il s'est mal exprimé et il est mal compris par les autres.
Le fonctionnement du mode de pensée des surdoués est différent, les implicites ne sont pas les mêmes, le contenant culturel de la pensée n'est pas le même. La communication est forcément difficile (voir la page 4 de ce doc).
Les difficultés relationnelles ne s'arrêtent pas là: le surdoué prend même parfois l'habitude d'être discret et de ne rien dire, de peur qu'encore une fois la communication avec l'autre se solde par un échec ou un conflit. L'estime de soi en prend encore un coup parce que même plus tard lorsqu'il se retrouve en société, le surdoué ne participe pas aux conversations des autres, ce qui laisse penser qu'il est sûrement bête puisqu'il ne dit jamais rien.
La métacognition négative et l'estime de soi sont liés. Et le sentiment d'inadaptation sociale qui en découle souvent est fort. Ajoutez à ça quelques moqueries subies tout au long de l'enfance et de l'adolescence (parfois aussi à l'âge adulte), vous obtenez un adulte hypersensible, hyperémotif (ou alors tout l'inverse, mécanisme de défense), sujet à l'anxiété sociale, avec une estime de lui-même minable...
Mais je suis certaine qu'on peut se relever. Une fois qu'on a été diagnostiqué, on peut envisager de changer les choses, de ne plus subir. On peut faire de ce potentiel une force.
Je m'occupe de redorer mon estime de moi, je travaille à améliorer ma communication et mon relationnel avec autrui, je me libère de ma phobie sociale et c'est parti mon kiki. A moi la nouvelle vie.
-> Pour aller plus loin, vous pouvez faire l'inventaire d'identification de Jean Charles Terrassier avec ce que vous vous rappelez de vous quand vous étiez petit.
Vous pouvez lire Quand l'intelligence élevée fragilise la construction de l'identité et Estime de soi et échec scolaire
En haut à droite de ce blog, dans les liens à voir absolument, vous pouvez lire Itinéraire de l'adulte doué: une indicible désolation.
Vous pouvez aussi lire les livres de Jeanne Siaud Facchin, elle en a écrit un sur les enfants surdoués (beaucoup de surdoués ont retrouvé leur propre enfance dedans) et un autre sur les adultes.