29 semaines que le coeur de mon bébé s'est arrêté à 6SA. Aujourd'hui pile. Ca fait déjà 7 mois que j'ai fait une fausse couche.
Pendant 2 semaines après avoir eu un test de grossesse sanguin positif, j'ai cru au bonheur de devenir à nouveau maman. Pendant 2 semaines, j'ai eu le temps avec mon Chéri et notre fils de nous imaginer notre vie à 4. On avait surinvesti cette grossesse, ce bébé. Mais comment on fait pour ne pas surinvestir? Comment on fait pour garder une distance de sécurité? Est-ce possible de garder une distance de sécurité quand on est aussi sensible que nous le sommes?
2 semaines de pur bonheur et la chute. 7 mois de rage, de colère, de révolte, de destruction, de cris, de pleurs, de souffrance, de douleur, d'isolement, d'incompréhension, de doutes, de jalousie, de lassitude, d'insomnies, de fatigue, de mort intérieure.
J'ai mes règles actuellement, ce qui signifie que ce n'est toujours pas ce mois-ci que je tomberai enceinte.
J'ai 30 ans et j'ai pourtant l'impression d'avoir le corps d'une vieille ménopausée. Chaque fois que ces satanées règles arrivent, alors que chaque mois j'y crois à mort, j'ai mal au bide, je voudrais pouvoir l'ouvrir et le rincer soigneusement, pour le nettoyer parce que j'ai l'impression qu'il est sale et qu'il ne peut donc plus fonctionner.
Oui, c'est dans la tête. Bien sûr que je sais que c'est dans ma tête. Peut-être que je pourrais reprogrammer ma tête. Pour arrêter de penser comme je pense. Pour arrêter d'agir comme j'agis. Pour arrêter d'être celle que je suis.
Ainsi, si on me demande si ça va, je peux répondre honnêtement "ça va et toi?". Au lieu de répondre "ça va et toi?" alors que j'ai envie d'hurler "non, ça ne va pas du tout, je déteste mon corps qui a été le cercueil de mon bébé".
Ainsi si on me demande si ça va, je peux honnêtement sourire et répondre "ça va et toi?". Au lieu de répondre "ça va et toi?" alors que j'ai envie de fondre en larmes et de pleurer jusqu'à ce que mon corps s'assèche en hurlant "non ça ne va pas du tout, j'ai mal à l'âme et ça ne se guérit pas comme ça".
Ainsi si on me demande si ça va, je peux honnêtement être sereine et répondre "ça va et toi?". Au lieu de répondre "ça va et toi?" alors que ma tête ne se repose jamais et que j'ai envie d'hurler "non ça ne va pas du tout, j'ai le cerveau en vrac, je voudrais le silence absolu, je ne veux même plus m'entendre penser".
Invariablement, ma réponse reste pourtant "ça va et toi?" parce que je redoute encore et encore, si je me mets à parler de cette fausse couche, d'entendre ce que j'appelle les phrases bateaux que l'on dit dans ces occasions pour tenter de réconforter:
Tu es jeune, tu en auras un autre.
Il vaut mieux que tu l'aies perdu au début de ta grossesse plutôt qu'à la fin.
Il aurait pu naître trisomique ou malformé, estime-toi heureuse.
La nature est bien faite, c'est qu'il ne devait pas naître.
Sauf que je ne veux plus les entendre ces phrases. Alors pour ne plus les entendre, je n'en parle pas. Ainsi, je ne laisse pas l'opportunité à mon entourage de me décevoir, comme d'autres personnes m'ont déjà déçue, malgré elles. Ma chère maman, que j'aime fort pourtant, m'a fait si mal de me dire que j'étais faible de pleurer pour ce bébé qui n'était pas un bébé. Si ma propre mère peut me décevoir à ce point, pas par méchanceté mais par maladresse en plus, comment mettre ma fragilité entre les mains de mes autres proches? Désolée, c'est impossible pour moi. Je dois me préserver. Alors ces derniers temps, je suis éteinte, c'est vrai. Mon mari et mon fils en souffrent. Je le vois. Mais comment me rallumer?
J'ai choisi une couverture d'un tabloïd pour illustrer cet article parce que j'ai entendu parler de la merveilleuse grossesse de Sandra Bullock, qui est enceinte à 47 ans de Ryan Reynolds.
Oui 47 ans.
Avec son précédent mari, elle n'avait pas pu avoir d'enfant. Elle avait donc adopté un petit garçon. Et là, ô miracle, après tout ce temps, à 47 ans, voilà que le bonheur vient frapper à sa porte.
Ma première réaction était "bordel, encore une qui tombe enceinte alors qu'elle a dépassé la bonne quarantaine, et moi ça m'arrive quand???". Puis en fait, elle aussi, elle a le droit à ce bonheur. Elle a peut-être horriblement souffert toutes ces années (souffre-t-on moins quand on gagne un oscar?).
Souhaitons-lui de vivre une merveilleuse grossesse, qui aboutisse, que son enfant naisse en pleine santé.
Et puis en fait, si ça se trouve, ce magazine de merde ment, comme ils savent tous si bien mentir, si ça se trouve, elle n'est pas enceinte du tout. Comme moi.
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